UN VOLEUR REPENTANT AU CARLTON
Auteur : JEAN CAPIEZ
Droit civil / Droit des biens / Propriété immobilière / Action en justice / Prescription
CA Aix-en-Provence, chambre 1-1, 21 mars 2023, n° 19/14713 : JurisData n° 2023-004318
Les bijoux (plus d’un million d’euros !) d’un client de l’hôtel disparaissent mystérieusement au cours d’un changement de chambre, réalisé avec l’aide du personnel. Ils réapparaissent, tout aussi mystérieusement, une semaine plus tard dans le coffre de la chambre initiale. Les clients sont tout de même indemnisés.
1 – L’habituelle affichette déclinant toute responsabilité de l’hôtel ne fonctionne toujours pas. C’est logique : la responsabilité de l’hôtelier en cas de vol est d’ordre public.
2 – Le fait que les bijoux aient été restitués ne change rien à la constitution du délit de vol, constatée par le juge civil car nécessaire à l’engagement de la responsabilité de l’hôtelier. L’interprétation stricte de sa définition légale l’impose, puisqu’elle vise la « soustraction », sans exiger que celle-ci soit définitive. On se souvient en particulier d’une décision, dont l’intérêt principal était ailleurs, qui affirmait que des documents pouvaient être volés pendant le temps nécessaire à leur reproduction1.
3 – Si la restitution n’exclut en rien le vol, elle exclut logiquement tout préjudice matériel. Les clients reçoivent en revanche 12 000 euros au titre de leur préjudice moral, tenant à la dramatique impossibilité de porter les bijoux lors du Festival de Cannes, à la conviction temporaire d’avoir définitivement perdu les bijoux, et à la pénibilité du dépôt de plainte. On ignore le poids de chacun de ces éléments dans le montant finalement retenu. Il serait même possible qu’ils aient juste servi à viser un poste indemnisable, sans déterminer sa valeur.
Je me demande si la Cour n’a pas tout simplement opéré le calcul à partir du prix des bijoux, puisqu’elle a accordé très exactement 1% de ce montant2. Cette hypothèse serait difficile à vérifier, car il ne doit pas exister beaucoup de cas similaires : la valeur des bijoux était colossale (plus d’un million d’euros), et ils ont été restitués, de sorte que le préjudice moral n’a été que temporaire. Je doute donc que ce rapport de proportion, à le supposer ici pertinent, puisse s’appliquer ailleurs.
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