L’ACTION EN RESTITUTION DES FRUITS PERÇUS PAR LE POSSESSEUR DE L’IMMEUBLE D’AUTRUI
Droit civil / Droit des biens / Propriété immobilière / Action en justice / Prescription
Possession de l’immeuble d’autrui / Action en restitution des fruits / Action réelle immobilière / Prescription trentenaire / Action prescrite (non) / Restitution (non) / Possesseur de bonne foi
Auteur : THIBAUT DANTZER
CA Aix-en-Provence, chambre 1-5, 19 janvier 2023, n° 19-13.322, Jurisdata n° 2023-004615
Président : M.-F. Brengard
Conseillers : H. Giami, L. Vignon
L’action en restitution des fruits perçus par le possesseur de l’immeuble d’autrui fondée sur l’article 549 du Code civil est une action réelle immobilière qui se prescrit par trente ans.
1- En 1999, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier Étoile Mermoz loue à la société Decaux publicité extérieure un espace de mur sur lequel il lui est permis d’installer et d’exploiter un panneau publicitaire. En 2015, le contrat de location est résilié et en 2016, la SCI Villa Lily assigne le syndicat des copropriétaires en restitution des loyers perçus, évalués à 65 416, 18 euros. Elle apporte au soutien de sa prétention qu’elle est le propriétaire du mur donné à bail à la société Decaux publicité extérieure et qu’elle a donc droit, par accession, aux fruits perçus par le syndicat des copropriétaires, conformément à l’article 549 du Code civil.
2- L’affaire est portée à l’attention de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA) qui donne partiellement raison à la SCI. D’un côté, elle retient que l’action en restitution des fruits est recevable car elle se prescrit par « trente ans » étant « fondée sur la propriété immobilière par accession et qui porte donc sur un droit réel immobilier ». D’un autre côté, la CA considère qu’aucune restitution ne peut être accordée sur ce fondement car le possesseur est de bonne foi.
3- Cette solution est intéressante car elle a mérite de se positionner pour la première fois sur la nature de l’action en restitution des fruits perçus par le possesseur de l’immeuble d’autrui. Toutefois, ce mérite doit être relativisé car la justification avancée par les juges aixois ne paraît pas mener, en droit commun, à leur conclusion. En effet, nous pensons que l’action en restitution des fruits perçus par le possesseur de l’immeuble d’autrui est une action en revendication imprescriptible car elle est fondée sur le droit de propriété de la SCI sur l’immeuble litigieux. Pour cause, le droit d’accession évoqué par les juges du fond au soutien de leur position n’est pas, en l’espèce, un droit distinct du droit de propriété de la SCI.
4- Le « droit d’accession » du propriétaire, tel que visé par les juges aixois et évoqué à l’article 546 du Code civil, n’est pas un droit autonome, distinct du droit de propriété. Il s’agit du fructus du droit de propriété. Cette conclusion s’impose au regard de sa définition qui est : « le pouvoir de faire siens les fruits du bien ». Dès lors, compte tenu de cette relation hiérarchique entre le droit d’accession et le droit de propriété, similaire à celle des poupées russes, nous pensons qu’il ne peut pas être considéré que le fondement de l’action de la SCI est un droit réel immobilier autonome. Il s’agit, ni plus ni moins, du droit de propriété lui-même pris dans l’une de ses composantes. En conséquence, il convient de retenir que l’action en restitution engagée par la SCI est une action en revendication imprescriptible.
5- Ce changement de nature de l’action est particulièrement important en pratique car il influence le régime juridique de l’action. En matière immobilière, l’action prescriptible par trente devient imprescriptible et en matière mobilière, l’action prescriptible par cinq ans devient imprescriptible.
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