L’irrecevabilité du recours formé contre l’ordonnance de taxe ne dispense pas l’avocat de la faire rendre exécutoire
Procédure civile / Honoraires de l’avocat
Auteur : JEAN CAPIEZ
Doctorant à Aix-Marseille Université
Laboratoire de Théorie du droit, EA892
capiez.jean@gmail.com
Procédure civile / Honoraires de l’avocat / Ordonnance de taxe du bâtonnier / Irrecevabilité du recours / Titre exécutoire (non) / Besoin de solliciter le Président du tribunal judiciaire
CA Aix, 5 avril 2022, n° 21/12944
Résumé : L’irrecevabilité du recours formé contre l’ordonnance de taxe du bâtonnier laisse l’avocat sans titre exécutoire. Il peut alors toujours saisir le tribunal judiciaire pour y remédier, ce que les textes ne permettent pourtant pas. Il fallait l’y autoriser, pour combler une faille qui aurait permis aux clients de ne jamais payer leur avocat.
Observations : Le bâtonnier qui se prononce sur les honoraires dus à un avocat rend une ordonnance non-exécutoire. Pour qu’elle le devienne, l’intervention d’un véritable juge est nécessaire. Lequel ?
Deux cas faciles sont envisageables, car un texte y répond[1]. Si personne ne conteste l’ordonnance, il faut saisir le président du tribunal judiciaire, qui la rendra exécutoire. Si l’une des parties la conteste, elle doit saisir premier président de la Cour d’appel. Ce dernier ne la rend alors pas exécutoire, mais produit une nouvelle décision exécutoire en elle-même.
Mais voilà un cas difficile, auquel le texte ne répond pas : que se passe-t-il lorsque, dans la deuxième hypothèse, le premier président de la Cour d’appel se limite à déclarer le recours irrecevable ?
Il est délicat d’y voir une décision exécutoire, puisque le juge ne s’est pas prononcé au fond sur le montant des honoraires, pas plus qu’il n’a confirmé la décision du bâtonnier[2]. Les juges aixois retenaient pourtant l’inverse en 2016, au motif que le texte applicable donne force exécutoire sans distinguer entre l’irrecevabilité et la recevabilité[3] (ce qui est inexact, on le verra). Notre arrêt rejette cette analyse, s’alignant ainsi sur une récente décision de la Cour de cassation[4].
L’avocat n’est donc muni d’aucun titre exécutoire. Reste qu’il peut toujours, selon ces deux derniers arrêts, saisir le tribunal judiciaire à cette fin. Selon nous, c’est ici que se trouve le vrai problème.
En effet, le texte applicable dispose que le tribunal judiciaire peut intervenir « lorsque la décision prise par le bâtonnier n’a pas été déférée » à la Cour d’appel. A contrario, il ne le peut donc pas en cas de recours. Et, puisque le texte ne distingue pas entre la recevabilité et l’irrecevabilité du recours, le tribunal judiciaire ne devrait jamais pouvoir être saisi après la Cour d’appel.
L’erreur de l’arrêt de 2016, qui utilisait cet argument, était de faire comme si le texte tranchait le caractère exécutoire de la décision de la Cour d’appel, alors qu’il ne traite que des cas dans lesquels le tribunal judiciaire peut être saisi, ce qui est différent.
L’impossibilité de saisir le tribunal judiciaire conduirait toutefois à des conséquences dramatiques pour les avocats, ce qui peut expliquer la contrariété de la décision avec les textes. Le mauvais payeur n’aurait qu’à organiser son irrecevabilité devant la Cour d’appel, par exemple en formant un recours volontairement tardif[5]. L’avocat ne disposerait alors d’aucun titre exécutoire, et ne pourrait en obtenir aucun : il ne pourrait jamais se faire payer. Pour refuser que l’irrecevabilité devant la Cour d’appel confère un titre exécutoire, il fallait permettre d’en obtenir un au tribunal judiciaire.
[1] Décr. n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, art. 178 : « Lorsque la décision prise par le bâtonnier n’a pas été déférée au premier président de la cour d’appel (…), elle peut être rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal judiciaire à la requête, soit de l’avocat, soit de la partie ».
[2] La Cour d’appel ne peut dire le recours irrecevable puis confirmer la décision. Il faut en passer par le tribunal judiciaire (Cass. 1ère civ., 13 octobre 1999, n° 96-22.883, Bull. 1999, 271. 177).
[3] CA Aix, 24 novembre 2016, 4e ch. A, n° 16/02975.
[4] Cass. 2e civ. 27 mai 2021, n° 17-11.220 : Juris-data n° 2021-007868 ; JCP G, 2021. 35. 862, note H. Herman – Procédures 2021. 7. 187, obs. Y. Strickler – D. actu. 7 juin 2021, obs. J.-D. Pellier – Rev. prat. rec. 2021. 6, chron. O. Cousin ; RTD civ. 2021. 704, obs. N. Cayrol.
[5] Décr. n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, art. 176 : « La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel (…). Le délai de recours est d’un mois ».
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