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D’UN ADIEU À CONSORTS CRUZ À UNE APPROCHE SURPRENANTE DE LA VILETÉ DU PRIX

Auteur : Patenema Fidèle SAWADOGO

Doctorant contractuel – chargé de mission d’enseignement
Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles

Promesse unilatérale / Levée d’option / Exécution forcée / Nullité / Vileté du prix

Civ. 3e, 21 nov. 2024, n° 21-12.661, Publié au Bulletin, JurisData n° 2024-021986

Présidente : Mme TEILLER

Par cette décision qui fait couler beaucoup d’encre, la Cour de cassation franchit l’étape ultime dans l’abandon de la jurisprudence Consorts Cruz. Elle statue également sur la date de l’appréciation de la vileté du prix dans l’hypothèse d’une promesse unilatérale de vente suivie de la levée d’option. Soumise à l’option entre le moment de la conclusion de la promesse et celui de la levée d’option, la Cour choisit la première pour l’appréciation de la vileté du prix.

1- In casu, un terrain avait fait l’objet d’une promesse unilatérale de vente en 1971. Cette promesse avait été consentie pour une durée déterminée, mais tacitement prolongée jusqu’à un an après la mise en service d’une rocade à proximité de la parcelle. Après le décès des deux parties, leurs héritiers ont repris leurs droits respectifs. Le 1er juin 2011, l’héritier du promettant a informé l’héritier du bénéficiaire qu’il considérait la promesse caduque. De son côté, l’héritier du bénéficiaire a levé l’option le 18 novembre 2016 soit dans le délai prévu par la promesse, la rocade devant être ouverte à la circulation le 24 novembre suivant. Sans réponse du promettant, le bénéficiaire l’a assigné, le 17 janvier 2018, aux fins de transfert de propriété de la parcelle et de condamnation au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence[1] rejette la demande de transfert de propriété de la parcelle aux motifs, d’une part, qu’une obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts en application de la jurisprudence Consorts Cruz[2] et, d’autre part, de la nullité de la promesse conclue en l’absence de prix réel et sérieux à la date de la levée d’option.

Insatisfait de l’arrêt d’appel, le bénéficiaire forme un pourvoi. Il fait grief à l’arrêt d’appel de rejeter sa demande de transfert de propriété de la parcelle alors que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation »[3].

Relativement à la nullité pour vileté du prix, le demandeur au pourvoi soutient que « la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente »[4]. En appréciant la vileté du prix au moment de la levée d’option, les juges du fond auraient violé les articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 1583 et 1591 du même code.

2- Deux questions étaient donc soumises à la Cour. La levée d’option postérieure à la rétractation du promettant exclut-elle une exécution forcée de la vente ? L’appréciation de la vileté du prix s’effectue-elle au moment de conclusion de la promesse de vente ou de la levée d’option ?

La Cour répond par la négative à la première question et casse l’arrêt d’appel. C’est au visa des articles 1101, 1134, alinéa 1er, et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’elle affirme que « la promesse unilatérale de vente étant un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation »[5].

Sur la seconde question, elle n’est pas non plus de l’avis de la cour d’appel. Elle commence par viser les articles 1101 et 1134, alinéa 1er du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1591 du même code. Pour ensuite conclure que « la vileté du prix s’apprécie, à la différence de l’action en rescision pour lésion ouverte dans les conditions prévues par les articles 1674 et suivants du code civil, à la date de la promesse et non à celle de la levée d’option, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Cette solution présente un double intérêt. Elle symbolise, en effet, l’enterrement de la jurisprudence Consorts Cruz (I), mais elle suscite également des interrogations sur le moment d’appréciation de la vileté du prix dans l’hypothèse d’une promesse unilatérale de vente (II).

I/ L’enterrement d’une jurisprudence contestée

3- L’arrêt commenté traduit une mort totale de la jurisprudence Consorts Cruz. Un regard rétrospectif sur cette jurisprudence permettra de mieux cerner ses enjeux.

D’abord, il n’est pas incongru de rappeler que la jurisprudence Consorts Cruz avait établi qu’une obligation de faire ne pouvait se résoudre qu’en dommages et intérêts[6]. L’exécution forcée était donc écartée pour cette forme d’obligation notamment l’obligation de contracter. C’est peu de dire que cette jurisprudence avait la quasi-unanimité de la doctrine contre elle[7]. Malgré la virulence et la pertinence des critiques[8], la Cour a maintenu sa position jusqu’à la réforme du 10 février 2016. Cette réforme a vu l’avènement de l’article 1124 dont le deuxième aliéna dispose que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Un régime diptyque s’est donc installé dans la jurisprudence[9].

D’une part, les promesses conclues avant le 1er octobre 2016 (date d’entrée en vigueur de la réforme) se voyaient exclues de l’exécution forcée conformément à Consorts Cruz et d’autre part, les promesses nées après le 1er octobre 2016 étaient soumises à une possibilité d’exécution forcée sur le fondement de l’article 1124 du code civil.

Ensuite, le 23 juin 2021, la troisième chambre civile[10] a procédé à un revirement en affirmant que le promettant s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion du contrat de promesse unilatérale, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire. Elle juge ainsi que toutes les promesses de vente sont susceptibles d’exécution forcée, dont celles conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme.

Enfin, l’arrêt sous examen franchit la dernière étape en censurant la cour d’appel d’Aix qui s’est conformée à la jurisprudence en vigueur au jour de sa décision[11]. Il est important de souligner, en effet, que l’arrêt de la cour d’appel est intervenu le 5 janvier 2021, soit antérieurement à la jurisprudence du 23 juin 2021 qui a admis l’exécution forcée pour toutes les promesses. Dès lors, au moment de l’arrêt d’appel, la jurisprudence Consorts Cruz était encore de droit positif puisque la promesse avait été conclue avant le 1er octobre 2016.

4- Ce rappel historique favorise une lecture dualiste de l’arrêt commenté. D’un côté, on pourrait saluer l’homogénéité qu’elle apporte dans le régime de la promesse unilatérale : peu importe la date de la conclusion, toutes les promesses sont susceptibles d’exécution forcée. Au soutien de cette position, l’on peut noter qu’elle est en adéquation avec l’esprit et les textes de la réforme. Elle satisfait également les critiques de la doctrine qui a toujours été hostile à la jurisprudence Cruz. Cette homogénéité mérite-t-elle le sacrifice consenti ? Pour obtenir l’homogénéité de la jurisprudence relative à l’exécution forcée de la promesse unilatérale, la Cour a dû sacrifier des principes non moins importants. Elle foule au pied non seulement la non-rétroactivité de la loi (lato sensu), mais elle sanctionne aussi les juges du fond d’avoir bien jugé. En effet, « la rétroactivité inhérente aux revirements de jurisprudence est parfois douloureuse : l’abandon d’une solution qui paraissait constante au moment de l’introduction de l’instance peut être dévastateur pour le plaideur qui s’en prévalait »[12].

En réalité, l’on peut regretter que cette solution porte atteinte à la sécurité juridique des justiciables. Le promettant, en l’espèce, pensait très légitimement que la révocation de la promesse ne pouvait être sanctionnée que par des dommages et intérêts. Si la mort de la jurisprudence Consorts Cruz[13] avait été admise, son enterrement est désormais effectif.

Le second intérêt de l’arrêt est relatif aux conséquences du revirement sur la date d’appréciation des conditions de validité du contrat définitif, en l’occurrence de la vente : date de la promesse ou date de la levée de l’option ?

II/ La naissance d’une jurisprudence contestable

5- On sait que le contrat de vente encourt nullité en cas de prix vil ou dérisoire. Ce principe repose aujourd’hui sur l’article 1169 du code civil. Pour les contrats antérieurs à l’entrée en vigueur de la réforme, la nullité découlait de l’ancien article 1131 du Code civil car un vil prix constituait une absence de cause (contrepartie) pour l’engagement du vendeur. Toutefois, à quel moment doit-on apprécier la vileté du prix du contrat définitif lorsque le prix a été fixé dans une promesse de vente et que la levée d’option n’est intervenue que 45 ans après ? Telle est la seconde question à laquelle la Cour était confrontée dans l’arrêt sous examen.

Il est important de rappeler que la nullité est la sanction frappant l’acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité[14]. Dès lors, le caractère sérieux du prix, qui est un élément déterminant dans le consentement des parties, doit être évalué au moment de la formation du contrat. La détermination du moment de la formation du contrat se complexifie dans cette hypothèse de promesse unilatérale qui est un système à double détente. Une première phase d’émission de la promesse et une seconde de levée d’option. Il est à noter qu’un décalage temporel particulièrement long peut s’écouler entre les deux phases (comme c’est le cas en l’espèce).

6- Pour la Cour de cassation, « la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire, de sorte que la vileté du prix s’apprécie, à la différence de l’action en rescision pour lésion ouverte dans les conditions prévues par les articles 1674 et suivants du code civil, à la date de la promesse et non à celle de la levée d’option »[15]. Par cette affirmation, la Cour censure l’arrêt d’appel qui avait prononcé la nullité de la promesse pour vileté du prix en ayant apprécié le sérieux du prix à la date de la levée d’option. La Cour déclare donc que la date pertinente pour l’appréciation du prix est celle de la conclusion de la promesse.

7- Premièrement, la solution de la Cour semble moins convaincante dans la mesure où le contrat de vente se forme pleinement au moment de la levée d’option, c’est donc à ce moment que doivent être appréciées les conditions de sa validité, dont la vileté du prix[16]. Il est vrai que le consentement du promettant est donné au moment de l’émission de la promesse. Par conséquent, c’est à ce moment qu’il faut apprécier certaines conditions de validité, notamment celle relative à la capacité du promettant. C’est d’ailleurs ce qu’a pu relever très justement la Cour dans son arrêt précité du 23 juin 2021. La troisième chambre civile avait en effet affirmé que « la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien ». Cependant, la solution est critiquable, car elle unit ce qui ne devrait pas l’être. Elle unit la promesse et le contrat de vente quant à l’appréciation du prix alors qu’ils restent deux actes distincts[17]. La promesse unilatérale est un contrat unilatéral puisqu’une seule partie s’engage, le promettant. Il s’agit d’un contrat puisqu’elle suppose un accord entre le promettant et le bénéficiaire, c’est même l’archétype du contrat unilatéral[18]. Or la vente est un contrat synallagmatique[19] de sorte qu’il se distingue de la promesse unilatérale. L’appréciation des conditions de validité de la vente devrait donc être contemporaine à sa conclusion, c’est-à-dire à la date de la levée d’option.

8- Deuxièmement, la Cour poursuit en déclarant que si la vileté du prix s’apprécie à la date de la promesse, c’est à « à la différence de l’action en rescision pour lésion ouverte dans les conditions prévues par les 1674 et suivants du code civil ». Or l’article 1675 al. 2 du Code civil dispose que « en cas de promesse de vente unilatérale, la lésion s’apprécie au jour de la réalisation », soit au jour de la levée d’option. Il se pose donc un problème de cohérence dans la disparité des dates d’appréciation de la vileté du prix et de la lésion[20]. Pour étayer cette incohérence, on a pu relever que la lésion sanctionne un déséquilibre des prestations et non un vice du consentement – c’est ce qui justifie la règle de l’article 1675 alinéa 2 – tandis que la nullité pour vileté du prix sanctionne un déséquilibre absolu : le prix est tellement dérisoire qu’il prive de cause les obligations du vendeur et justifie donc la nullité. Ce faisant, pourquoi le déséquilibre relatif que constitue la lésion s’apprécierait à la date de la levée d’option et le déséquilibre absolu que constitue la vileté du prix, à la date de la promesse ?[21]

La Cour sépare ce qui devrait être uni. Elle sépare la question de la lésion de celle du vil prix alors qu’elles sont généralement enseignées de pair et qu’il n’existe entre elles qu’une différence de degré[22]. D’ailleurs, quand bien même l’action en rescision serait une possibilité pour le promettant, elle est en l’espèce prescrite puisqu’elle est enfermée dans un délai de deux ans après la conclusion de la vente[23], soit deux ans après la levée d’option pour la promesse unilatérale de vente[24] (la levée d’option est intervenue en 2016).

Cette solution est, in fine, sévère en ce sens qu’elle prive le promettant d’une protection, autre que contractuelle, contre l’écoulement du temps et ses incidences sur le prix[25] . Elle oblige donc les praticiens à exploiter les ressources de la liberté contractuelle en prévoyant une clause de révision du prix dans les promesses de vente afin de tenir compte de l’effet du temps sur le prix initial.

[1] CA Aix-en-Provence, 5 janv. 2021, n°19/16719.

[2] Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199, RTD civ. 1994, p.584, obs. J. Mestre ; D. 1994, p.230, obs. O. Tournafond ; D. 1994, p.507, obs. F. Bénac-Schimdt ;  JCP N 1995, p. 31, note D. Mazeaud.

[3] Point 7 de l’arrêt commenté.

[4] Point 14 de l’arrêt commenté.

[5] Point 11.

[6] Dans le même sens, Civ. 3e, 11 mai 2011, n° 10-12.875, Defrénois, 15 juin 2011, p.1023, obs. L. Aynès ; Gaz. Pal., 4 août 2001, p.15, D. Houtcieff ; D. 2011, p.1460, note D. Mainguy ; Civ. 3e, 6 déc. 2018, n° 17-21.170, AJ Contrat, 2019, p.94, D. 2019, p.300, obs. M. Mekki.

[7] D. Mazeaud, « Promesse unilatérale de vente : la Cour de cassation a ses raisons… », D., 2011, p.1457 ; P. Malinvaud, M. Mekki, J.-B. Seube, Droit des obligations, LexisNexis, 17è éd., 2023, p. 156. ; X. Lagarde, « De la période précontractuelle », RLDC, n°55, 1er déc. 2008. D. Mazeaud, « Mystères et paradoxes de la période précontractuelle », in Études offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, 2014, p. 650 et s. ; L. Aynès, obs. sous Cass. 3e civ., 11 mai 2011, préc. ; D. Mazeaud, « Promesse unilatérale de vente : la Cour de cassation a ses raisons… », D., 2011, p.1457 ; P. Malinvaud, M. Mekki, J.-B. Seube, Droit des obligations, LexisNexis, 17è éd., 2023, p. 156 ; contra, V. D. Mainguy, « À propos de l’affaire de la rétractation de la promesse de contracter », JCP G, 2012, doctr 808. ; M. Fabre-Magnan, « Le mythe de l’obligation de donner », RTD civ. 1996, p. 85, spéc. n°16 et s.

[8] Ces critiques ont été qualifiées de « tourmente doctrinale » par D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, 12e éd., 2020, p. 79.

[9] P. Malinvaud, M. Mekki, J-B. Seube, Droit des obligations, op.cit., p. 155.

[10] Civ. 3e, 23 juin 2021, n° 20-17.554, D. 2021. 1574, note L. Molina ; ibid. 2251, chron. A.-L. Collomp, B. Djikpa, L. Jariel, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2022. 226, obs. F. Cohet ; Rev. sociétés 2022. 141, étude G. Pillet ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2021. 630, obs. H. Barbier ; ibid. 934, obs. P. Théry.

[11] Point 13 de l’arrêt commenté : « en statuant ainsi, se conformant à l’état de la jurisprudence à la date du prononcé de son arrêt, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

[12] D. Houtcieff, « Retour vers le futur : la censure d’une décision conforme à l’état de la jurisprudence », Gaz. Pal., 2025, n° 1, p. 2.

[13] H. Barbier, « La jurisprudence « Consorts Cruz » est morte, vive la clause « Consorts Cruz » », RTD civ. 2021, p. 630.

[14] Art. 1178 C. civ.

[15] Point 19.

[16] L. Leveneur, « Promesse unilatérale de vente – Moments d’appréciation de la vileté du prix de vente et de la lésion : une étonnante différence », CCC, n° 1, 2025.

[17] M. Cormier, « Une nouvelle vicissitude pour la promesse unilatérale de vente : l’appréciation de la vileté du prix », LDC, n° 1, 2025, p. 6.

[18] P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, Droit des obligations, LGDJ, 13e éd., 2024, p. 246.

[19] D. Mainguy, Contrats spéciaux, Dalloz, op.cit., p. 46.

[20] L. Leveneur, « Promesse unilatérale de vente – Moments d’appréciation de la vileté du prix de vente et de la lésion : une étonnante différence », op.cit.

[21] P. Grosser, « Droit et obligations – droit des contrats », JCP G, n° 50, 2024.

[22] M. Cormier, « Une nouvelle vicissitude pour la promesse unilatérale de vente : l’appréciation de la vileté du prix », op.cit.

[23] Art. 1676 C. civ.

[24] Civ. 3e, 29 mars 2000, n° 98-16.741, D. 2000. 146 ; RDI 2000. 585, obs. J.-C. Groslière.

[25] P. Grosser, « Droit et obligations – droit des contrats », op.cit.

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